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Terre ô ma mère ! L’enfant se penche et, dans sa menotte malhabile, emprisonne une poignée de boue compacte. Très intéressé, il contemple, gravement, l’empreinte de ses doigts menus, la forme ronde et douce qui s’est moulée au creux tendre de ses paumes. Il ne connaît pas le mot malléable. Mais d’instinct, il découvre le verbe «modeler». Et s’il modelait un bonhomme? Une petite boule pour la tête, une plus grosse pour le corps. Ca ne tient pas très bien, même pas du tout, mais c’est grisant. «Regarde comme tu te salis» lui dit sa mère, qui a perdu depuis trop longtemps l’innocente pulsion du geste. Il ne se salit pas: il découvre, en une seule révélation, la matière première en son sens propre «materia prima» et l’acte créateur. Il découvre, ne sait pas que depuis la nuit des temps, ce geste premier se répète chez toutes les peuplades de la terre. Aussi, où
que l’on porte le regard, la terre est là, à nos origines,
dans notre culture, dans la nature... Elle nous entoure, nous fascine
et nous invite généreusement au contact. L’homme a
pu, grâce à la technique, figer cette «terre matière».
Du mou, du fluide, de l’humide, il peut faire du sec, du rigide,
du solide, du coloré, de l’utile... Comme pour imprimer un
peu sa mémoire dans cette masse qui n’en n’a pas et
qui les a toutes, puisqu’elle est commencement et fin... L'approche du matériau Le plus important
dans une démarche d’animation avec des enfants, c’est
de les mettre à l’écoute du matériau par une
expérimentation concrète. Plus ils auront d’attention
profonde à ses possibilités de réaction (changement
de textures, de couleurs, de consistance...), plus ils amèneront
de propositions. D’où
un cheminement d’animations proposé: 1)- Utiliser de la terre liquide par souci de laisser vivre le matériau, en apprenant à provoquer et à exploiter ses réactions, ses hasards. La barbotine ne demande qu’une intervention partielle de l’enfant: il ne peut ni la modeler, ni la façonner et ne cherche pas à reproduire. On peut la faire couler sur différents supports, la faire réagir à l’aide de vinaigre, par exemple, pour former des cratères, tremper à l’intérieur des cordes, du tissu pour faire des drapés, faire couler plusieurs couleurs l’une à coté de l’autre pour former des dessins, des paysages..... 2)- Avoir une approche
de la masse à partir de la terre en pain: elle se modèle,
s’associe à toutes sortes de matériaux (sable, cailloux,
paille, terre brute, terre cuite broyée...) 3)- Des opérations de surfaçage peuvent faire varier les aspects et les couleurs de la terre. Un engobage, par exemple, par pulvérisation de terres de couleurs différentes, permet d’obtenir des coloris très divers et très proches de notre environnement naturel. Le grattage permet de faire venir à la surface le grain de la terre, le polissage permet une matière d’une douceur incroyable.... A l’aide des émaux, il est également possible de varier à l’infini et de reproduire des éléments naturels tels que le quartz, le verre, certaines roches... L’émail n’est-il pas lui même un dérivé direct de la nature? Il est composé de silice, de feldspaths, tout comme l’argile elle même et dans une simple cendre, on le retrouve tout entier. Là aussi, tout est possible... A cette démarche,
on peut rajouter la cuisson. Pour cela, un four est nécessaire. Pas forcément un four traditionnel, peut-être un four fabriqué par les enfants eux-mêmes, d’argile et de briques, démontable à chaque cuisson, ou un trou dans un talus, ou un foyer à même le sol, ou encore un four primitif pour retrouver la trace de nos ancêtres? Le support de cuisson importe peu, le feu est le transformateur de l’argile en terre cuite, on lui confie nos instants, nos rêves, nos joies, nos peines et comme par enchantement, la matière se transforme complètement pour devenir solide, irréversible. Avec le feu, le point de non retour de la terre molle et malléable est dépassé. Là encore, tout est possible. Le but, dans ce cheminement est de réunir les éléments principaux de notre vie, La terre, l'eau, l'air, le feu Ce n’est pas
tant le résultat qui compte, mais l’expérience. Qui
a parcouru ce chemin ne pourra pas oublier les phases successives qu’il
a traversé. On arrive «tous neufs» devant la matière,
puis on fait connaissance. Un lien se crée, l’intérêt
grandit et on ne peut plus arrêter ce qui se passe. La curiosité
s’accroît, on a envie d’aller plus loin, de pousser
la matière à se donner encore et encore plus, de se donner
à elle, de la suivre dans ses caprices, de se laisser entraîner
dans des lieux inconnus où tout est possible. On se sent comme
irrésistiblement attirés par cette matière qui nous
envoûte et dont on ne percera jamais le secret. La terre est et
restera toujours un des mystères de la création et c’est
parce qu’elle reste un mystère qu’elle nous donne d’avantage. La terre est une belle histoire d'Amour |
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